Présidentielles américaines : quelles (véritables) conséquences pour les marchés ?

Marchés | Octobre 2020

Colin Moore, Global Chief Investment Officer Columbia Threadneedle Investments

Le déroulement des élections renforcera la volatilité à court terme, mais nous ne pensons pas qu’il aura beaucoup d’influence sur les marchés dans la durée

Si les élections présidentielles américaines sont toujours tendues, l’édition 2020 s’annonce particulièrement clivante. Les deux partis s’opposent frontalement et, qu’il s’agisse d’approche, de personnalité ou d’attitude, c’est un fossé qui sépare Donald Trump et Joe Biden. A l’approche du grand jour, les rhétoriques musclées risquent d’exacerber l’incertitude et l’anxiété. La réaction des investisseurs à l’annonce de la contamination du président sortant au Covid-19 témoigne d’ailleurs de la fébrilité ambiante.

Mais que signifient véritablement ces élections pour l’économie, les marchés et les investisseurs ? Pour moi, elles provoquent beaucoup de volatilité et d’inquiétude en amont, mais la montagne va accoucher d’une souris et les conséquences sur l’économie et les places financières seront minimes. Une grande partie de cette volatilité temporaire provient du fait que les politiciens promettent des mesures et des programmes qu’ils ne mettent jamais totalement en application. Dans la durée, la trajectoire des marchés et de l’économie dépend de ce qui se produit concrètement : une seule élection ne peut donc pas, à elle seule, modifier nos perspectives de long terme.

Pourquoi ? Parce que, qu’il se fasse en faveur des républicains ou des démocrates, le changement d’administration ne modifie pas en profondeur le fonctionnement de l’économie américaine. Les investisseurs redoutaient davantage des décisions radicales lorsqu’Elizabeth Warren ou Bernie Sanders semblaient partis pour remporter la primaire démocrate. Notons à ce propos que personne ne sait quel rôle politique ils joueront à l’avenir. Sur certains éléments importants, les différences entre les deux grands partis sont ténues.

Par exemple, il est faux de dire que les républicains sont frileux en matière budgétaire et que les démocrates sont généreux : les deux partis dépensent sans compter. La différence (puisqu’il y en a bien une) réside dans la source des recettes fiscales et la cible des dépenses. Mais, en termes de montant total injecté dans l’économie, les deux partis sont selon moi assez proches.

S’agissant de la performance globale des marchés, les bourses aiment autant les présidents républicains que les présidents démocrates. De fait, depuis l’administration Truman au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les rendements n’ont été négatifs que sous Richard Nixon et George G. Bush. La réaction des marchés à ces deux administrations n’a toutefois pas grand-chose à voir avec la politique économique des deux hommes : elle s’explique par le scandale du Watergate au début des années 1970 pour le premier et par les terribles événements du 11 septembre 2001 pour le second.

Cette année, il faudra aussi tenir compte du fait que les résultats du scrutin risquent de mettre du temps à arriver et qu’ils pourraient être contestés. Si le candidat victorieux l’emporte avec une avance confortable, il nous semble peu probable que des recours soient déposés. Il faut d’ailleurs distinguer les défis liés au décompte des voix ou à l’intégration des votes par correspondance d’un refus pur et simple de reconnaître la défaite ou de passer le pouvoir. La première option nous semble tout à fait plausible, car des questions juridiques pourraient retarder la certification des résultats, avec à la clé une période d’incertitude. Les prix des options sur indices arrivant à échéance après les présidentielles montrent que les investisseurs en actions tablent sur un regain de volatilité dû à cette incertitude. Si la situation est loin d’être idéale, elle n’a rien d’inédit, et des dispositifs constitutionnels sont prévus en cas de résultats non concluants.

Tout cela pour dire qu’il existe des solutions aux problèmes que certains prédisent et que, lorsque, par le passé, les résultats ont été retardés ou contestés, nous avons toujours réussi à avancer sans véritables perturbations politiques (ou économiques).

Mais, même si nous affirmons que les élections n’auront pas d’influence sur la trajectoire globale des marchés, une incertitude est probable à court terme. Certains secteurs ou certaines entreprises pourraient également être touchés. En outre, nous pensons qu’il y a des choses auxquelles les investisseurs doivent faire attention, ainsi que des mesures à prendre.

Evaluer les répercussions potentiellesSi c’est Joe Biden qui l’emporte, il faut étudier de près ses mesures fiscales, car elles sont au cœur de son programme (figure 1). Son objectif est de revenir sur les allègements fiscaux accordés par l’administration Trump, de modifier l’impôt sur le revenu au-delà d’un certain niveau et de taxer les plus-values au même taux que l’impôt sur le revenu. Beaucoup d’échanges boursiers sont donc à attendre avant les élections. Plus l’on est convaincu que c’est le candidat démocrate qui l’emportera, plus il faut se préparer à réaliser les plus-values en 2020 plutôt qu’en 2021 pour éviter une fiscalité plus élevée. En fonction des règles qui seront édictées, mieux vaut peut-être envisager des pertes pour 2021 que les compenser automatiquement à hauteur des gains de 2020.

Figure 1 : Tour d’horizon des ambitions fiscales de Joe Biden

Source : Columbia Threadneedle Investments, 1er octobre 2020

Si le deuxième semestre est toujours propice aux ventes à perte à des fins fiscales et à la réalisation des plus-values, il devrait l’être encore plus cette année, ce qui pourrait toucher les secteurs les plus performants de l’année, notamment la technologie. Mais, pour nous, ce ne sont que des facteurs de volatilité, pas des signes annonciateurs de bouleversements. Ils ne présagent pas forcément de changements de direction à long terme ou de modification des fondamentaux de ce secteur ou d’autres.

La nouvelle architecture fiscale pourrait également avoir des répercussions sur les entreprises. Nous estimons que le programme de Joe Biden se traduira par un recul moyen d’environ 5% des bénéfices par action, même si le repli ne sera pas forcément le même dans tous les secteurs. Dans des circonstances « normales », on pourrait se dire que ce n’est pas si grave. Mais dans une économie déjà malmenée par le Covid-19 où les résultats s’inscrivent en forte baisse par rapport à 2019, il faut rester vigilant sur l’impact cumulé. Ce type d’attente peut entraîner une rotation, mais nous ne pensons pas qu’elle provoquera un effondrement plus général.

Notons également que le projet fiscal dévoilé par Joe Biden dans le cadre de sa campagne ne sera pas forcément celui qu’il mettra en place s’il est élu. Dans le contexte actuel, il est peu probable que des changements radicaux de la fiscalité soient adoptés à court terme, notamment parce que les Etats-Unis sont toujours aux prises avec les conséquences de la pandémie.

L’éventuelle victoire du camp démocrate fera également des gagnants et des perdants au niveau sectoriel. L’énergie, les services financiers et la santé seront probablement concernés. La santé est un secteur intéressant : l’expansion de Medicare et Medicaid pourrait profiter au sous-secteur hospitalier, tandis que le plafonnement des prix risque de pénaliser les laboratoires pharmaceutiques. L’énergie et la finance devraient, elles, souffrir du renforcement de la réglementation, car il s’agit d’un coût supplémentaire. La réglementation peut permettre d’améliorer la sécurité des produits et des lieux de travail ou de protéger l’environnement, mais elle reste une source de dépense qui vient grever les bilans et pourrait pénaliser les petites entreprises plus que les grandes, qui disposent des ressources nécessaires pour faire face aux nouvelles exigences. Plus de dépenses pour les entreprises, c’est aussi moins de rendements pour les actionnaires. Il faudra donc étudier de près les valeurs et les secteurs avant d’investir, et ne pas se fier à la trajectoire globale du marché.

Autre sujet majeur pour les entreprises et l’économie qui pourrait être influencé par les élections : le commerce. Même si c’est le Congrès qui a le dernier mot en matière d’accords commerciaux, bien souvent, le président a le droit de gérer les négociations et de fixer les droits de douane. Le rôle du chef de l’Etat est avant tout diplomatique, et c’est à ce niveau-là que les caractères de Donald Trump et Joe Biden entrent en jeu. Même si je pense que les objectifs et les inquiétudes de l’administration Trump en matière de politique commerciale sont légitimes, le style du président a créé des tensions supplémentaires, notamment avec la Chine. Une approche différente pourrait permettre de nouer des relations internationales plus productives, même si, sur le fond, les initiatives et les objectifs restent sensiblement identiques.

Le facteur Covid-19 : une incertitude politique renforcée par l’incertitude économique

J’ai déjà dit que les élections n’avaient généralement pas beaucoup d’influence sur le comportement des marchés. A bien des égards, cette règle s’applique aux présidentielles de novembre prochain. Un élément fait toutefois exception : elles auront lieu dans un contexte de pandémie mondiale qui a quasiment mis à l'arrêt l’activité économique. La volatilité à court terme liée aux élections et les répercussions structurelles de la pandémie sur les marchés s’amplifient mutuellement, et nous connaissons actuellement l’une des plus longues périodes de forte volatilité de toute l’histoire (figure 2).

Figure 2 : La volatilité ne faiblit pas ​ 

Source : Columbia Threadneedle Investments, 30 septembre 2020 La volatilité implicite traduit la variation annuelle des prix des titres anticipée par le marché. La volatilité réalisée, quant à elle, mesure l’évolution historique, constatée en utilisant des statistiques sur trois mois glissants.

C’est là que la promesse d’un nouveau soutien budgétaire pourrait faire toute la différence. Il faut voir la crise sanitaire actuelle comme une immense faille. De l’autre côté, tout va bien. L’économie, les marchés et les entreprises sont repartis. Mais il faut atteindre l’autre rive sans tomber dans l’abîme. La relance budgétaire à court terme est un pont. Et plus longtemps il reste en place, plus la probabilité d’atteindre cette autre rive augmente. C’est aussi là que la composition de la Chambre des représentants et du Sénat fait toute la différence.

A l’immense effort conjoint des premières mesures ont succédé les divisions politiques à visée électorale, avec des conséquences délétères sur le plan de relance. Une fois les élections passées, les responsables politiques devront retourner à la table des négociations pour concevoir des programmes qui aident les personnes, les entreprises et les villes les plus touchées par les restrictions liées au Covid-19. Pour la première salve, l’important était d’aller vite. Mais l’aide a été trop large. Pour la seconde, il faudra mieux cibler, mais un soutien reste indispensable à la solidité de la reprise.

L’économie et les marchés iront de l’avant

Dans les prochaines semaines, les inquiétudes suscitées par le scrutin vont forcément s’intensifier et les voix qui nourrissent l’incertitude et la volatilité vont s’amplifier. Les deux camps ont les nerfs à vif et le combat entourant la nomination du prochain juge à la Cour suprême ne fera que mettre de l’huile sur le feu. Pour les investisseurs, il sera donc essentiel de ne pas agir sous le coup de l’émotion : même si la volatilité et l’incertitude sont fortes avant et après les élections, l’économie et les marchés iront de l’avant. Repensez à vos jeunes années : l’onde de choc que provoque le galet jeté dans l’eau s’estompe peu à peu.

 

Contact Presse :

Olivier Duquaine

Olivier Duquaine

Managing Director, Backstage Communication

 

 

 

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